TEXTS ( FR / UK)
THE DEATH OF PHOTOGRAPHY AND ME From Helen, (2013) + Stairway to Heaven (Louise, la vie, la mort et le bonheur peut-être)
————————————————————————————————————————– 3360 TIMES ( FROM M TO O) Galerie Michele Didier http://www.micheledidier.com/index.php/fr/momo-gallery-set-of-3.html ————————————————————————————————————————– DISORDER / DATA CENTER TRILOGY (THE LIVING EQUATION)
Disorder is the natural order of the Universe: infinite, cold, chaotic, unpredictable, ruling the world by its perpetual disequilibrium and creating billions of possibilities. Conversely, as a matter of awareness and progress, order is just a temporary moment of contradictory disorders coming to a balanced state. Man has created tools for power, a global system of disruption of life deploying his domination upon living and animal worlds. Despite all our efforts and the incredible level of progress that our society has reached, disorder has ceased to be seen as a potential opportunity to challenge the present. It has instead become a component of a consumerist system that burns through natural resources and hinders our exclusive growth. Facing growing signs of predictable extinction, mankind seems more than ever ignoring them, answering to this structural and collective failure by creating new disorders in the natural processes: fighting for immortality modifying life, abusing animals and living worlds, burning resources against diversity, communicating more than ever creating confusion in identity, bringing biotechnology, global consumption, creating permanent state of war, climate change, crisis as a response.
This photographic work delivers disrupting images that document signs of this future in our present. The title « Disorder (The living equation) » is coming from a 1934 book from Nathan Schachner, a fiction where the character creates a equation which its goal is to allow them not to solve equations but to create new ones. 2015 ————————————————————————————————————————–
COPIE CONFORME
Édité par le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) » La première fois que je me suis arrêté devant la devanture de cette cordonnerie, je fus soudainement atteint de diplopie, vision dédoublée de cet univers visuel inconnu et de ces images qui me paraissaient pourtant si familières. Je découvris un parterre d’affiches de l’histoire du cinéma totalement revisitées : Métropolis, Malcom X, Kill Bill, La Nuit du chasseur, Blow Up, La Planète des singes… Il était difficile de reconnaître l’image originelle. Elle avait été digérée, transformée et retranscrite. On ne voyait plus le trait, seul un amalgame de formes qui nous faisaient entrer dans cet autre monde. Djamel, cordonnier de son état, semblait doué d’un don de copiste éclairé, maitrisant l’art de la soustraction comme de l’addition. Gouache, crayon de couleur, stylo-bille, graphite, tout semblait propre à être utilisé. À cette époque, j’organisais une exposition d’images de la conquête spatiale dans la vitrine de mon plombier Momo qui allait bientôt devenir la MoMO galerie. Cette exposition, Le Rêve de Laika, rassemblait des photographies originales de la Nasa des missions Apollo et Gemini que j’avais réunies au gré de longues recherches. Je souhaitais au départ m’imprégner des qualités intrinsèques de ces images scientifiques et médiatiques : cadrage, composition, lumière, frontalité, pour réaliser plus tard une archive photographique de cette mission spatiale fictive, Apollo 21. Ces images officielles : des astronautes, en mission de survie dans le désert, habillés de leur parachute, ressemblent curieusement à des Bédouins, et les sièges de vol moulés sur mesure à des chaises électriques. De quoi alimenter les thèses les plus hasar- deuses. Dans ce jeu de la fiction et de la création de l’histoire, l’idée de commanditer à ce cordonnier dessinateur une archive dessinée de la conquête de l’espace s’imposa immédiatement. Malgré le trouble rétinien durable que dégagea cette première rencontre avec son travail, j’attendis pourtant une année avant de franchir le pas-de-porte de son échoppe au détour d’un talon décollé. Il accepta mon étrange commande sans sour- ciller, dessinant à ses heures perdues avec un matériel qu’il récupérait au fur et à mesure : feutre blanc pour écrire sur les vitres des brasseries en fin de vie, supports découpés dans du packaging, documents des Hôpitaux de Paris, agrégats et textures improbables. Le résultat, quelques semaines plus tard, était flamboyant. Innombrables portraits officiels de Youri Gagarin avec ceux des astronautes noirs, la chienne Laïka et l’alunissage d’Apollo 11 ainsi que quelques images mythiques de 2001, l’Odyssée de l’espace prolongeaient cette archive fictive comme les paysages fantasmés de Stephen Ellcock. C’est ainsi que naquit cette autre histoire de la conquête spatiale. Il advient parfois que les visions conjuguées d’un cordonnier et d’un artiste donnent naissance à une nouvelle histoire du monde qui, tel l’univers qui nous entoure, est peut-être sans fin. Romaric Tisserand «
2013
————————————————————————————————————————– Remember « JULES ET JIM », New York City, (1996) ————————————————————————————————————————– ULTRAMAR ( EMPIRE TRAVEL CLUB) Winner Piclet.org prize for contemporary African Photography 2015 Basel, 12th june 2015 Espace Galerie de la Librairie Yvon Lambert @ MoMO Galerie (12 nov-24 dec 2014) Maison Européenne de la Photographie ULTRAMAR (Empire Travel Club) An Augmented archive of 166 portraits issued from 6 black and white silver gelatin rolls negatives found in the ground between the pavement, revealing the portraits of young africans and soldiers from another time. The exhibition device organises this archive into a photographic project where XIXth century portrait album medallions play a combinatory role with a colored Portuguese flag and new countries issued from liberation movements, colorful posters, postcards and a fake promotional video tale. ULTRAMAR (Empire Travel Club) transforms the exhibition space into a travel agency from an Empire in the past that doesn’t exist anymore. Everything present mentally recreates this destination : depicting the unknown soldier’s intimate diary, thousand individual lives as thousands of free postcards to take away making collective memory, mixing past with present creating future and reframing history. Without an image, there is no event Without an event, there is no more history Without history, there is no more future. ![]() ![]() ![]() 2014
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FR L’art sophistiqué de la traque est un art hérité des anciens. Son pendant urbain, la ronde de nuit, est devenue ma façon d’arpenter la ville, d’en définir son territoire et par là même mon propre espace. L’idée de l’errance, de son abandon volontaire aux histoires dérisoires de la cité nocturne, a nourri ce désir presque macabre. C’est le moment précis de la course solaire où apparaissent de l’ombre ces machines modernes célibataires, prothèses exubérantes et trophées automobilistiques qui ont su insuffler l’esprit de Mad Max à la logique industrielle. Cet art de l’augmentation a toujours suscité en moi une intense fascination comme un immense effroi. Cette nécessité absolue d’augmenter le modèle de série, le tuning modeste, celui des assemblages indécelables, du petit spolier, des vitres foncées, pot d’échappement chromés et jantes alliages. C’est celui-là qui me fascine le plus. Sous le protocole de la marche aléatoire et de l’usage compulsif du flash, j’ai traqué, quartier par quartier, rue par rue, ces utopies urbaines, constituant une archive voyeuriste de cette flore mécanique, carnet de chasse symphorophile. L’usage de pellicules ultra-rapide 3200 asa ne laisse que l’idée des formes, dénudées de toute couleur. Un rayon X. Comme un film porno qui aurait été tourné par une machine. Frontal et sans dialogue. Je leur imagine des vies, des exploits et devine leur crash inévitablement prochain dans le crépitement et la tôle froissée. Signe d’un chevalerie dont l’ordre serait resté occulte aux yeux du monde, ces bolides assurés tous dégâts, rappellent que l’orgasme visuel est un acte de bravoure.Tuning is not a crime.
UK The sophisticated art of tracking is an art inherited from ancient times. Its urban counterpart, the night watch, has become my way of surveying the city, of defining its territory and thereby my own space. The idea of wandering, of willingly giving in to the derisory stories of the city at nighttime, fueled this slightly macabre desire. This is the precise moment of the solar race in which these modern bachelor machines appear from the dark, exuberant prostheses and car trophies, which were able to infuse the spirit of Mad Max into industrial logic. This art of augmenting has always sparked off in me an intense fascination as well as an immense fright. This absolute need to increase the production model, the modest car tuning, that of unnoticeable assemblies, of the small rear wing, of dark windows, of the chromed tailpipe and alloy wheels. This is what fascinates me most. Under the protocol of random walking and the compulsive use of flash, I tracked down these urban utopias, neighborhood by neighborhood, street by street, constituting a voyeuristic archive of a mechanical flora, a symphorophile hunting passbook. I imagine their lives, their exploits and guess their inevitably imminent crash in the rattle and rumple of metal sheets. The use of an ultra-fast 3200 ASA film only leaves an idea of forms, stripped of all color. An X-ray. Like a porn film that would have been shot by a machine. Frontal and without dialogues. I imagine their lives, their exploits and guess their inevitably imminent crash in the rattle and rumple of metal sheets. Sign of a chivalry whose order would have remained hidden from the world, these all-risk insured supercars remind us that a visual orgasm is an act of bravery. Car tuning is not a crime.
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Festival Noviembre Fotografico
FOTOTECA DE CUBA – La Habana
1er novembre 2013 – 14 janvier 2014
Curator Nelson Ramirez de Arellano Conde
Performance II – MUSEUM OF MONKEYS (I’ve got a monkey on my back)
Romaric Tisserand
Vernissage le 22 novembre 2013
La Fototeca de Cuba accueille dans le cadre du Festival Noviembre Fotografico la série complète des photographies de la performance, “Museum of Monkeys, I’ve got a monkey on my back”, qui interroge de nouveau la question de la norme culturelle, reprenant le fantasme d’une ville générique et utopique. Second opus d’une première performance réalisée à Marrakech en 2012 (Tourism Counter Offensive, La Koutoubia de Paris) où l’artiste vendait en smoking sur la place de Jemaa El fna des tours Eiffel souvenirs, cette nouvelle performance revient sur la logique de la création du mythe.
Tout comme le personnage qui s’effacerait derrière des lunettes de soleil et un smoking, les tribulations oniriques d’un Monsieur Hulot qui parcourrait la ville avec son singe à la rencontre déconcerté du monde, ce dernier, alter-ego du cinéaste, déambule dans la ville où chaque déplacement, se déplierait sous la totale potentialité de chaque situation. Ses rencontres se déroulent dans un monde réduit à de simples images, à des espaces prêt-à-consommer, où l’homme comme le singe deviennent tout à tour maître et esclave.
Cette exposition à la Fototeca de Cuba en ce mois de novembre sera également le point de départ de la production du dernier opus performatif à la Habana, remake libre de la course mythique de Jean-Paul Belmondo dans Brasilia devenue capitale utopie du Brésil dans L’Homme de Rio de Philippe de Broca (1964) pour investir l’urbanisation d’Alamar à la Havane, autre utopie à parcourir, cité de barres d’habitations soviétiques construites en 1971 pour l’Homme Nouveau.
Cette performance filmique relate ce parcours de long en large, de haut en bas de ces architectures universalistes. La standardisation de symboles à l’état d’objets souvenirs a opéré la destruction des singularités, la coopération forcée des cultures et la radicalisation de ces dernières en arme de survie. Ce triptyque est la vision de cette perte.1er Novembre 2013 – 14 janvier 2014 Vernissage le 22 novembre 2013
Prints by Bruno Cordonnier – Atelier Surexposés
Photography by Catherine Talese
————————————————————————————————————————– MONOCHRONES (BLOW-UP), L’ARCHEOLOGIE D’UNE IMAGE ( REMIX-COPY-PASTE ) Par Valerie Jouttreau Pensée visuelle Le statut complexe, ambigu et renforcé de l’image contemporaine nous oblige à interroger à nouveau des modalités de lecture, à reposer la question de son sens et de notre rapport au monde à travers sa médiation. Le projet Monochrones s’attache à questionner l’image et à sa capacité à représenter le monde, notamment dans son rapport à l’histoire, au fait historique, à « l’événement ». La relation qui se tisse entre l’image « document », l’image témoin et l’image « construite », ou encore l’image fictionnelle est marquée par une frontière infra-mince. Cette relation a suscité de nombreuses études, recherches, démarches qu’il serait trop long de citer ici. Monochrones propose donc une nouvelle contribution à une pensée du visuel, à travers un dispositif où des images de notre histoire contemporaine se donneront à voir dans un dispositif interactif numérique. Histoire(s) contemporaine de l’image – La visualité est en passe de devenir le mode majeur de notre appréhension du réel. Le développement des technologies numériques, et des modes de diffusions en flux, en réseaux, la « portabilité » convoquent toujours plus notre perception visuelle, et modifient notre environnement, de plus en plus marqué par la profusion d’écrans chargés de diffuser un flux illimité d’images. Les images se consomment et se propagent dans le champ médiatique sans contraintes apparentes. Dans ce contexte, l’image construit, fabrique le fait historique autant qu’elle en témoigne. A partir de ce constat, déjà largement commenté ailleurs, mais probablement à réinvestir dans une problématique plus large liée au numérique, la question du statut de l’archive photographique se pose dans sa relation à l’histoire, à son écriture, à la construction d’une représentation de l’Histoire. Archéologie de l’image / L’image révélée Au delà de sa valeur « représentative », «descriptive», « documentaire», la lecture d’une image photographique interroge « sa matière ». Traces, signes, trames points, pixels, cristal d’halogénure d’argent la constituent et composent, proposent en quelque sorte des strates physiques ou digitales, une sorte de méta représentation, au delà du directement perceptible, mais qui n’en forme pas moins un territoire, une image mentale. A partir de ces signes, plus ou moins indiciels, la lecture peut s’apparenter à un processus constant de construction, et de déconstruction. Voir une image serait donc reconnaître, et tout autant méconnaître. C’est ce mouvement que Monochrones propose de reproduire. Une boucle visuelle de l’image perçue comme pleine de sens, chargée d’histoire, de références à l’image résiduelle, évidée. L’image source / image résiduelle Les séries Monochrones sont réalisées à partir de tirages originaux rassemblés, collectés au cours des quatres dernières années qui parcourent les grands moments de l’histoire moderne (dictateurs, conquêtes spatiales, honneurs et médailles, violences et morts, politiques et guerres…). Le corpus est constitué de photographies qui s’inscrivent dans l’histoire contemporaine. Acquises par Romaric Tisserand, elles ont été sélectionnées pour leur résonance spécifique et singulière, « marquées » par leurs nombreuses publications dans la presse. « surmédiatisées » ou volontairement censurées, « confisquées » du champ des médias ( explosions atomiques dans le Nevada, pendaisons de noirs américains en 1930 à Manson, Fidel Castro à la Havane le 8 janvier 1959…), ces images semblent appartenir à « une mémoire visuelle collective ». Épuisement mécanique de l’image « Monochrones », propose à partir d’une image source, un épuisement de la matière même de l’image à travers un travail sur la série basée sur la reproduction. A partir d’un traitement à la photocopieuse, une modification de l’image opère peu à peu et nous écarte de la source, nous distancie d’elle et nous « donne accès » à une image résiduelle, autonome, détachée de l’événement « source » proposant ainsi un espace ouvert, porté vers la narration, la rêverie, l’imaginaire… De l’image source, on arrive après ce processus d’épuisement à des images abstraites composées de points, traits, traces, signes, agglomérats ou étendues qui constituent une rythmique graphique « détournée » de sa valeur historique ou documentaire, de sa valeur de témoignage. La captation de l’événement historique, et la « marque » du réel qu’elle implique est réduite à une trace graphique, non datée, autonome, monde cellulaire illisible. Une référence de l’artiste qui nous ramène au film fondateur de Antonioni, Blow-Up ( 1966 ), ou le personnage central découvre une autre réalité derrière la surface des images. La copie d’une copie devient un original ( remix-copy-paste ) Partant du postulat qu’une copie d’une copie est un original, chaque image est photocopiée selon un protocole bien précis défini par l’auteur. La photocopie est manipulée une nouvelle fois pour générer une nouvelle image, et ceci est réitéré jusqu’à obtenir « un épuisement de signes » et la création d’une nouvelle image inconnue jusqu’alors. ( 2011 ) ————————————————————————————————————————– LES REGARDEURS / LES MARCHEURS ( 2010 ) Les espaces périphériques des villes sont les nouvelles frontières d’un monde qui opposerait l’urbain à la désolation, la sociabilité ultra-connectée aux étendues solitaires. Les périphéries de cess urbanisations du continent africain sont les endroits du mouvement permanent, espace mental qui repousse les frontières anciennes de la ville et de l’esprit. Lieux de transitions entre la paysage et le monde pris dans son acceptation large du mouvement, elles sont le passage obligés des nouveaux prétendants à la cité. Cette série s’installe au sommet du dernier rempart avant la ville, objet de tous les désirs, dans cet entre-deux contemporain, carrière de pierre pour la construction de la ville, mi-décharge que se partagent ces nomades avides d’un monde de pleine potentialité.
Edition 5+ 2AP
150 x 130 cm
+
Display / Vidéo Projection 2010
Durée 17’’
Slideshow projeté sur une musique live d’un groupe de jeunes musiciens choisis dans la ville d’accueil de la projection.
————————————————————————————————————————– FICTIVES ARCHIVES , AN INVESTIGATION ON CONTEMPORARY IMAGES IN THE ERA OF THE LIQUID PHOTOGRAPHY. [ 2009 – 2011 ] (UK) Photography has born as a scientific reproduction tool of the reality and has been the strongest and the largest medium to construct modern history of the mankind but the statut of the photographic document as lost its authority with reality in its new relation with the digital world. Since photography switch into digital era, the truth we used to attached to this medium has disappeared. There is no more negative to prove chemically and mechanically that an event has really occurred. The change of the nature of photgraphy into an image brought deep distance between the fact itself and its representation. Without image there is no event and any event could be built with images. Mass Consumption of images has created images to serve specific goal and to be recognized, modifying the production process from « taking » to « making » a picture. The space conquest have been focused all its energy in the construction of an heroic and mythic media exploit. Without any image of the first moon landing on the moon, nobody would have believed it.
With the possibility of creating a new event by its simple existence, Romaric Tisserand recreated since 2009 an unbelievable large format negatives fictives NASA archives of the unreleased Apollo 21 mission moon landing (which was planned but not released) the 18th June 1974 in order to construct and validate this event : moon rocks, survival kit, moon landscape, astronaut portrait, deep space imagery series are challenging our idea between photography and truth.
(FR) ARCHIVES FICTIVES DE LA NASA, UNE INVESTIGATION SUR L’ IMAGE CONTEMPORAINE [ 2009 – 2011 ] Depuis l’avènement de l’image numérique, la notion de vérité attachée à l’archive photographique comme preuve s’est dissipée dans la multitude et l’impossibilité de vérifier l’absence ou non de manipulations qui planent sur les images numériques. Le statut du document photographique a évolué au point que, n’ayant plus accès à la source primaire (le négatif), il nous est devenu impossible de vérifier la véracité des faits. L’image médiatique contemporaine est devenue l’avatar de l’événement lui-même dont sa seule représentation valide son existence et sa véracité historique à nos yeux. Comme nous avons appris à lire des mots, nous devons désormais apprendre à lire les images car dans notre société de l’information permanente, celui qui contrôle les images contrôle les esprits. Nous savons que sans image, l’événement n’existe pas. Dans la logique de propagande imposée par la course à l’espace, les américains étaient extrêmement conscients que sans image de l’alunissage leur supériorité n’aurait jamais pu être totale. C’est pour cela que la première chose qu’on faite Buzz Aldrin et Neil Amstrong a été de descendre sur le sol lunaire planter la caméra de télévision et de remonter de nouveau dans le LM pour réaliser sous nos yeux ébahis le plus célébre petit saut pour l’homme et le grand pas pour l’humanité en direct en mondovision. Le programme spatial Apollo a été ainsi la plus coûteuse et la plus ambitieuse action de relation publique de toute l’humanité. Réalisée sur la base de photographies vintages de la NASA, cette série d’archives fictives de la mission Apollo 21 (initialement prévue mais jamais réalisée par la NASA) s’est engagée à détourner cette iconographie universellement assimilée pour récréer les archives de cet événement historique qui n’aurait pas eut lieu, l’alunissage de la mission Apollo 21 le 18 juin 1974, afin de créer dans l’esprit la possibilité par sa simple existence médiatique, où la simple représentation de l’Histoire crée finalement l’événement historique. Dans cette nouvelle écologie visuelle, la vraie question ne serait-elle plus alors de se demander si il faut encore croire ou non aux images photographiques mais à qui elles profitent ? L’Histoire, dans son acceptation classique, dans le passage à l’image numérique est revenue à l’ère du récit et des mots ayant perdu dans cette folle course un précieux outil mécanique et chimique de représentation du réel. L’écriture contre l’image sera le match du siècle. Romaric Tisserand
————————————————————————————————————————– LISE SARFATI – Austin, Texas– Texte par Romaric Tisserand Lise Sarfati, Selina 01, Austin TX, 2008, courtesy Galerie BrancoliniGrimaldi / Roma Cette nouvelle série de Lise Sarfati a été réalisée en 2008 dans la continuité de sa grande trilogie sur les Etats-Unis débutée avec la série The New Life éditée par Twin Palms en 2005, puis poursuivie avec les séries Immaculate et She qui seront publiées cette année, respectivement chez Steidel Mack et en porfolio dans Aperture magazine. La sérieAustin, Texas a fait l’objet d’une publi cation en octobre 2008 par Magnum Publisher intitulé Lise Sarfati, Fashion Magazine. LE DOCUMENT FICTIONNEL Dans son travail, Lise Sarfati ne sépare jamais le documentaire de la fiction. Le choix de la ville d’Austin au Texas n’a rien d’anodin : Austin est à la fois le centre géographique de l’Amérique mais également le centre de la culture rock et underground. Austin, Texas présente des personnages d’adolescentes évoluant dans un environnement familier, celui d’Austin avec ses maisons en bois, ses intérieurs, ses rues, ses couleurs douces. L’ESPACE ET LE CORPS Lise Sarfati s’intéresse au thème du rapport entre le corps et l’espace. C’est cette interaction permanente des personnages avec l’espace qui structure sa démarche. Elle ne parle pas de portraits mais « d’études » de figures. Quentin Bajac, conservateur en chef du Cabinet de la Photographie du Centre Pompidou, décrit très bien ce phénomène : « Toutes ces jeunes filles sont à la fois dans l’ici de la prise de vue et dans un ailleurs indéfinissable. Cette ubiquité fondamentale est, à mon sens, à la source de l’intérêt que Lise Sarfati porte à ses jeunes modèles. […] Chacune de ses images enregistre littéralement la distance d’un corps à l’espace qui l’entoure et, ce faisant, construit de manière métaphorique, et très consciente, un rapport du modèle au monde qui l’entoure. » (1) NARRATIVE FASHION Naïves et brutales, sorties tout droit d’un roman et d’une puissante sensualité, affalées dans le fauteuil du salon familial – ou bien déambulant dans les rues d’un possible Eden texan, ces jeunes femmes n’ont pas de but revendiqué, ni d’action avouée à leur errance. “ Le modèle semble toujours avoir pris part au choix du vêtement selon une logique de vraisemblance ; chaque jeune femme choisit son personnage et s’y projette mais reste pleinement en accord avec le contexte et le décor qui est le sien, comme elle participe pleinement à la mise en scène de l’image finale. […] Le changement induit par le vêtement n’a donc rien d’une métamorphose. Parfois il est même imperceptible. Dans tous les cas, le vêtement ne fait jamais figure d’un déguisement sous lequel le modèle disparaîtrait.”(Quentin Bajac “Life Stills”)(2) L’ADOLESCENCE PERPÉTUELLE De ses lectures, Lise Sarfati gardera profondément ancré dans sa démarche, le concept littéraire de l’immaturité permanente de l’écrivain Witold Gombrowicz, dont elle retient de son œuvre majeure, Ferdydurke : « la jeunesse n’était pas chez elle un âge de transition : pour une moderne, elle représentait la seule période véritable de l’existence». Quentin Bajac explique encore très clairement cet apport fondamental dans la démarche de la photographe : « Elle aime citer Gombrowicz et l’attachement de ce dernier à la notion d’immaturité : la révolte sourde, le refus muet, le jeu avec la vie et la réalité, et surtout l’idée d’un sujet informe à la fois malléable et pourtant insaisissable qui finira toujours par se dérober. »(3) Et à Lise Sarfati ensuite de commenter à Rick Owens dans un autre entretien du Fashion Magazine : « Ce n’est pas le côté social de l’adolescent américain qui m’intéresse, plutôt l’adolescence d’un point de vue générique, comme une métaphore, une transition, un miroir. » LE ROMAN QUOTIDIEN Cet apport incontestable de « l’œuvre littéraire » a forgé sa perception et sa pratique photographiques et lui donnera un goût prononcé pour la narration. Lise Sarfati s’intéresse à l’histoire sans héroïsme d’adolescents des villes de province aux Etats-Unis. Chaque série est une histoire transversale, chaque série évoque une nouvelle qui nous plonge dans un imaginaire littéraire. Pour elle, l’esthétique photographique n’est pas construite par le regard – celui de l’artiste photographe – mais d’une accumulation d’expériences et de sensations qui génère un univers complexe, une histoire unique. Romaric Tisserand Paris, Le 5 janvier 2009
Lise Sarfati est présente dans les grandes collections publiques incluant le San Francisco Museum of Modern Art, le Los Angeles County Museum of Art, le Brooklyn Museum of Art, le Philadelphia Museum of Art ainsi que la Bibliothèque Nationale de France. Son travail a été montré lors d’expositions monographiques au Musée FOAM d’Amsterdam, au DOmus Artium de Salamanque, à la Maison Européenne de la Photographie (MEP) ainsi qu’au Nicolaj Center of Photography Art à Copenhague. En 1996, elle a reçu le Prix Niepce à Paris ainsi que le Prix Infinity de l’International Center of Photography (ICP) de New-York. (1)(2)(3) Quentin Bajac, “Life Stills” extraits du Fashion Magazine Austin,Texas, octobre 2008, Magnum Publisher
Lise Sarfati, Eva-Claire 02, Austin TX, 2008, courtesy Galerie BrancoliniGrimaldi / Roma
(ENGLISH VERSION) LISE SARFATI – Austin,Texas- Lise Sarfati’s newest series, “Austin, Texas” was completed in 2008, as part of her trilogy on the United States which started with the series “The New Life”, published by Twin Palms in 2005 and continued with the series “Immaculate and She”, which will be published this year by Steidl Mack and as a portfolio in Aperture magazine. “Austin, Texas” was published in October 2008 by Magnum Publisher under the title “Lise Sarfati, Fashion Magazine”. THE FICTIONAL DOCUMENT In her work, Lise Sarfati makes no distinction between documentary and fiction. The choice of the city of Austin, Texas is anything but trivial: Austin is both the geographic center of the United States and the epicenter of the underground rock scene. The series presents teenage characters operating in a familiar environment: that of Austin, with its wooden houses, its interiors, its streets and its muted colors. SPACE AND THE BODY Lise Sarfati’s work focuses on the relationship between the body and space. It is this continuous interaction of the characters within their space which structures her approach. She does not refer to her work as portraiture, but as a “study” of figures. Quentin Bajac, Head of the Photography Department at the Museum of Modern Art, Centre Georges Pompidou, describes this phenomenon quite well: “All these girls are located in the ‘here and now’ of the picture and an indefinable elsewhere. This fundamental ubiquity is, to my mind, the reason for Sarfati’s interest in young models.[…] Each of these photos literally records the distance between a body and the space that surrounds it, and in that way, metaphorically (and this time very consciously) constructs a relationship between the model and the world around her.” (1) NARRATIVE FASHION Naïve and brutal, seemingly straight out of a novel, with powerful sensuality, reclined on an armchair in the family room, or roaming the streets of a possible Texan Eden, these young women have no purpose, no cause to fight, no clear action to explain their restless wandering. “The clothing always seems to have been chosen to match the model, and the logic is one of verisimilitude – each young woman projects a character she has chosen, but remains completely in harmony with her own natural context and setting. In accordance with Sarfati’s photographic maieutics, they’re full participants in the final photo’s mise en scène.[…] Thus the change induced by the closing has nothing in common with metamorphosis. It is even imperceptible sometimes. In any case, the clothing never seems to be a disguise under which the model disappears. (Quentin Bajac “Life Stills”)(2) PERPETUAL ADOLESCENCE Lise Sarfati’s approach is deeply rooted in the literary concept of permanent immaturity, described by writer Witold Gombrowicz. In his masterpiece Ferdydurke, the author states “youth was not for her a transitional period: for a modern person, it was the only period that was real in all of existence.” an idea Sarfati’s work continuously references. Quentin Bajac again eloquently explains this fundamental contribution to the photographer’s work : “She likes to cite Gombrowicz and his fondness for the concept of immaturity – a secret revolt, a silent refusal, a game played with life and reality, and especially the idea of a subject both malleable and yet elusive, who always, in the end, slips away.”(3) Lise Sarfati herself explains to Rick Owens in another interview on Fashion Magazine: “What interests me about American teenagers isn’t the social dimension. It’s adolescence from a more general view, as a metaphor, a transition, a mirror. » DAILY ROMANCES This undeniable contribution of literary work forged Sarfati’s perception and photographic practice, giving her a marked taste for storytelling. The artist is interested in the anti-heroic stories of teenagers from provincial cities in the USA. Each of the three series are a transverse story; each evoking a new story that plunges us into literary imaginings. For Sarfati, photographic aesthetics are not built by the photographer’s eye, but by an accumulation of experiences and sensations that create a complex world, a unique history. Romaric Tisserand Paris, 5th January 2009 Lise Sarfati’s work is included in numerous public collections including the San Francisco Museum of Modern Art, Los Angeles County Museum of Art, Brooklyn Museum of Art, the Philadelphia Museum of Art, and the Biblioteque Nationale de France in Paris. Her work has been featured in solo exhibitions at FOAM Amsterdam; the Domus Artium, Salamanca, Spain; Maison Européenne de la Photographie, Paris, France; and the Nicolaj Center of Contemporary Art, Copenhagen, Denmark. In 1996, the artist was awarded the Prix Niepce in Paris and the Infinity Award from the International Center of Photography (ICP) in New York. (1)(2)(3) Quentin Bajac, “Life Stills” from Lise Sarfati Fashion Magazine Austin,Texas,october 2008, Magnum Publisher
————————————————————————————————————————– (In search of the deliberate accident) Tribute to « Point de vue d’après nature » du Gras
365 PHOTOGRAPHERS / 365 DAYS
« Troubled Girls »© 2010 AAnonymes Project In the search for anonymous images there is no beginning or end, nor rare images, only incandescent projections which subjugate and instantly become absolutely indispensable. AAnonymes.org is one of the many histories of contemporary photography.
AAnonymes.org shows “abandoned” photographs, antiquities of a reality that has ceased to exist in its original state, images which, like every photograph ever taken, have contributed to the creation of a photographically modified reality. The very images which Jean Baudrillard regarded as the prime instrument of the lack of reality, pictures of a contemporary world in which images are already pictures, in which everything has been fiction since Nicéphore Nièpce’s first heliograph. When photography was officially born exactly 170 years ago, on 19 August 1839, the passage from the ancient to the modern world was consummated. AAnonymes.org is a tribute to this.
The Kodak Brownie was largely instrumental in photography’s democratisation and opened the way for modern photography, a photography catering for the masses, whose collective, immediate and simultaneous espousal transformed individual memories into objects that one can posses and the collective imagination into a veritable visual grammar. One is struck today by the heritage (or debt) bequeathed, from the first Daguerreotypes and William Henry Fox Talbot’s calotypes to the anonymous pictures taken in the early 20th century and modern and contemporary photography. An exquisite corpse in which scratchings, asperities, superimpositions and montages constructed an unbridled imagination in which today’s imagery was already in gestation in the pictures of the past. AAnonymes does not seek to tell a story of photography but rather propose any number of stories, to open itself up to an experimental reading free of historic pretention, to the meaning in which all these approaches would coexist.
For a long time these authorless photographs, images of unclaimed paternity left to the anarchy of personal or commercial mythology, often altered, torn or annotated, have been denied the constitutive qualities of authenticity, legibility and precision. What has always struck me about the portraits is the modernity of some of the faces. In the landscapes it is their universal silence, and in the still lifes their absence of effect and delicate visual sparseness. Faces, landscapes transfixed by life. “You press the button, we do the rest” – Kodak The product of permanent choices involving accidents and formal rapprochements, this proposition is as valid as all other possible propositions since it potentially contains all of them. Images are signs, each anonymous image is a visual citation, a unique and complete knowledge of the world.
What attitude should we have towards these images that have been annotated, stamped “anonymous”, “unretouched, “annulatto” or even “refused”? Has this deprived them of their very essence as photography? What might be the essence of an anonymous photograph? The absence of signature or stamp, or rather its fate? Both perhaps. This is why I prefer the term “deposed photographs” to “anonymous photographs”. I like to keep in mind Marcel Duchamp’s singular and modern idea that it is the viewer who makes the work as much as the artist. Some photographs show us things, these ones make us think. “The media have replaced the ancient world” – Marshall McLuhan Here it is above all the photographic object that is omnipresent before the image. Albumen papers, ferrotypes, cyanotypes, gelatino-bromide prints, all have their roots in the social finality assigned to them – family portrait, documentation, advertisement, archive, self-portrait, souvenir snap – and their escheat came with the loss of this use and the individual and collective memory to which they were attached. All these images found themselves without a master and thus lost the privilege of being looked at. A host of anonymous images built up around a charming Utopia, one full of potentiality and the permanent anxiety that the discovery of a new image would upturn this precarious equilibrium. A collection is a construction of knowledge, in competition with no other. It is the portrait of the person who assembles it, of someone who recognises where others have been blind.
Despite belonging irremediably to the past, these photographic objects seem to be no longer located in that history and produce the strange sensation that we all share this same humanity. Although the present-day replacement of an image by a simple binary signal renders these afterimages of the past even more desirable, the idea of recovering this lost world unfortunately seems unreal. Paradoxically, in this digital era of continuous production of shared imagery, which we consume and sometimes delete even before seeing, the abundance of anonymous photographs instils in us the idea of an omnipresent, primitive humanity whilst definitively sealing its demise. This new optical reality has radically overhauled the concept of beauty that has been the norm since antiquity. The anonymous photographer thus becomes the implacable tourist of the real, of a reality in which each and every image becomes a projectile. The beautiful is always surprising, wrote Rimbaud. Welcome to a world in which it will always be ten past ten, a world whose protagonists all seem to be acting out the same scenario of the pose, of dressing up, of mise en scène, in which impossible realities become convulsive beauties charged with unexpected artistic potentialities.
Jean-Luc Godard said that what interested him in Pierrot le Fou was the space between people, the paths they take, and that the “tragic” is that once we know where they are going, who they are, everything is still just as mysterious and life is that forever unresolved mystery. “I am at war with the obvious” – William Eggleston In this little inventory à la Prévert, it is not just a question of considering the formal evolution of the landscape, portrait or still life in the work of Eugène Atget, August Sander, Diane Arbus, William Eggleston and Wolfgang Tillmans. What is curious here is the realisation that within this heterogeneity and constant profusion of imagery the concept of photographic unity has never been as strong, that the question of photography as an artistic medium and the status of the photographer as author were considered long before artists such as Gerhard Richter, Bernard and Hilla Becher, Francis Alÿs and Christian Boltanski.
In the end, could the history of photography be that immense “work in progress”, the creation of an acceptable world, of that illusion of continuity that man has of himself, or the transformation of this “hidden” reality into a continuum of images in the grand enterprise of recycling reality? Romaric Tisserand Arcachon, 19 August 2009
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